Le radeau
Mon radeau était alors assez fort pour porter un poids raisonnable ; il ne s'agissait plus que de voir de quoi je le chargerais, et comment je préserverais ce chargement du ressac de la mer ; j'eus bientôt pris ma détermination. D'abord, je mis tous les bordages et toutes les planches que je pus atteindre ; puis, ayant bien songé à ce dont j'avais le plus besoin, je pris premièrement trois coffres de matelots, que j'avais forcés et vidés, et je les descendis sur mon radeau. Le premier je le remplis de provisions, savoir : du pain, du riz, trois fromages de Hollande, cinq pièces de viande de chèvre séchée, dont l'équipage faisait sa principale nourriture, et un petit reste de blé d'Europe mis à part pour quelques poules que nous avions embarquées et qui avaient été tuées. Il y avait aussi à bord un peu d'orge et de froment mêlé ensemble ; mais je m'aperçus, à mon grand désappointement, que ces grains avaient été mangés ou gâtés par les rats. Quant aux liqueurs, je trouvai plusieurs caisses de bouteilles appartenant à notre patron, dans lesquelles étaient quelques eaux cordiales ; et enfin environ cinq ou six gallons d'arack ; mais je les arrimai séparément parce qu'il n'était pas nécessaire de les mettre dans le coffre, et que, d'ailleurs, il n'y avait plus de place pour elles. Tandis que j'étais occupé à ceci, je remarquai que la marée, quoique très calme, commençait à monter, et j'eus la mortification de voir flotter au large mon justaucorps, ma chemise et ma veste, que j'avais laissés sur le sable du rivage. Quant à mon haut-de-chausses, qui était seulement de toile et ouvert aux genoux, je l'avais gardé sur moi ainsi que mes bas pour nager jusqu'à bord. Quoi qu'il en soit, cela m'obligea d'aller à la recherche des hardes.
Dernière édition par Merzlinn le Mar 9 Fév 2010 - 11:22, édité 1 fois